Le bouillage du mouvement alimentaire québécois

Dans ce texte, je vous partage ma perception d'une
certaine effervescence dans le mouvement alimentaire
québécois et je vous explique pourquoi je pense que cela
nous concerne tous-tes.

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Oui bouillage, comme de l’eau d’érable qui bouille au printemps. Une collègue du mouvement alimentaire demandait récemment sur Facebook des suggestions d’initiatives représentant le mouvement alimentaire québécois. Rapidement, une dizaine d’initiatives (surtout montréalaises) ont été nommées, touchant la restauration, des épiceries solidaires et des organismes communautaires œuvrant à améliorer la sécurité alimentaire, l’agriculture urbaine, le gaspillage alimentaire et l’achat local.

Quelqu’un du milieu des systèmes alimentaires a commenté : « Les démarches alimentaires locales abondent en ce moment au Québec, tellement qu’il est difficile de se tenir à jour (...) ».  Ah! Voilà qui confirmait mon sentiment des dernières semaines. De très nombreux projets liés au système alimentaire québécois naissent ou prennent leur envol dernièrement. Il y a quelque chose dans l’air… 

Le Forum des communautés nourricières de Vivre en ville tenu la semaine dernière ainsi que l’événement Entreprendre collectivement en alimentation du Territoires innovants en économie sociale et solidaire - TIESS ont mis en lumière les dizaines de villes dans la province qui se sont dotées ou sont en train de se doter d’une politique de ville nourricière, octroyant à l’agriculture et à l’alimentation des budgets, des politiques et de la reconnaissance sans précédent.

Pour concrétiser cette perception d'effervescence et satisfaire du même coup mon côté méthodique, je vous présente quelques initiatives récentes, issues du mouvement alimentaire de notre province (et ce n’est pas exhaustif, c’est un échantillon!). 

  • Compose ta salade - des fiches pratiques pour les organisations qui créent du matériel éducatif sur l’alimentation et qui souhaitent aborder l’alimentation durable de façon pédagogique avec les jeunes

  • La Marmite éducative - des dizaines de ressources pédagogiques en lien avec l’alimentation pour les enfants de tous âges

  • Commun’assiette - pour aider les institutions à développer leur approvisionnement alimentaire durable et se fixer des cibles d’achat d’aliments québécois

  • Le babillard de Cultiver Montréal - pour offrir ou trouver des emplois en agriculture urbaine

  • Le GUTA (Guichet unique pour la transition alimentaire) - mène un projet auprès des restaurants de la ville de Montréal pour accélérer la transition écologique

  • La campagne de l’organisme Torontois Foodshare (hors province je sais!) pour demander une nouvelle charte sur le droit à l’alimentation conçue par celleux qui sont le plus affecté-es par l’Insécurité alimentaire

  • Sains et Sauf - un outil numérique pour faire émerger, soutenir et promouvoir les initiatives de récupération de valorisation alimentaire en Montérégie

  • Partage ta terre organise une nouvelle saison d’activités où propriétaires de terrains et jardinier-ères partagent espaces et récoltes

Tout ça c’est la pointe de l’iceberg du mouvement alimentaire. Il y a les nombreuses fermes et pépinières qui s’activent autour des semis, des premières plantations en serre ou des travaux préparatifs pour la saison à venir. Les inscriptions aux paniers bio battent le plein pour l’été qui arrive. Je pense aux semencières, mais aussi aux bénévoles sur les conseils d'administration (CA) d’organismes (comme mes ami-es et collègues sur le CA de On sème! COUCOU!), aux citoyen-ces qui font des semis pour eux mais aussi pour leurs voisin-es, etc. Il y a énormément de travail « invisible » dans le système alimentaire. Celui-ci est peu médiatisé et pourtant il tisse peu à peu la toile soutenant les grands changements qu’on voit apparaître.

Pourquoi est-ce que je vous raconte cela?

J’avais envie de nommer cette effervescence parce que vous ne travaillez peut-être pas dans le milieu agroalimentaire et dans le flot du quotidien et des mauvaises nouvelles de l’actualité, ce serait facile de passer à côté. J’avais aussi envie de souligner ce bouillonnement parce qu’il fait du bien. Il m'étourdit légèrement disons-le, mais c’est bon signe. Le mouvement pour une agriculture et une alimentation plus équitable et plus écologique est là, il grandit, il vit, il s’enracine dans les communautés québécoises, il prend mille visages. 

Ensuite, ce que je voulais mentionner c’est que les projets ou les politiques qui aboutissent sont en grande partie le résultat du travail de longue haleine des initiatives communautaires et citoyennes. Bien avant que le terme locavore fasse consensus, des citoyen-nes et des organismes poussaient pour des changements au sein de notre système alimentaire. Beaucoup de ces changements viennent d’en bas (bottom-up comme on dit - en opposition à top down, qui est imposé par les gouvernements) et se sont construits au fil des années. Ces personnes, ces équipes et ces réseaux (des OBNL, des tables de quartiers, des groupes informels, etc.) portent à bout de bras des demandes d’équité, d’écologie et de littératie alimentaire depuis des années. J’ai envie qu’on souligne cela.

Vous le savez, je crois que les enjeux en lien avec l’alimentation et l’agriculture s’inscrivent dans des dynamiques systémiques qui requièrent entre autres, des changements au niveau des lois et des politiques. Cependant, les acteur-s-rices citoyens, communautaires et entrepreneuriaux bougent plus vite que les politiques avec qui iels travaillent. C’est eux et elles qui poussent la vision plus loin. Avec le temps et le travail de plaidoyer que ces organismes font auprès des différents paliers de gouvernements pour exiger des changements, on voit un nombre grandissant de projets financés qui reflètent ce travail.

Enfin, non seulement il bouille ce mouvement venant du bas, mais il a besoin de vous, de nous. Il est vivant, il change, il évolue, il a besoin de gens et d’énergie pour que s’accélère la transition. Si vous vous intéressez aux enjeux agroalimentaires par delà votre assiette et que vous avez un peu de temps à offrir, vous pouvez faire une recherche des organismes dans votre quartier, ville ou village afin d’identifier les organismes travaillant en sécurité alimentaire, en agriculture urbaine ou en lien avec l’agroalimentaire plus largement (peut-être le faites-vous déjà!).

Ces organismes ont souvent besoin de bénévoles, ponctuels ou réguliers, ou de nouvelles personnes sur leur conseil d’administration. Vous y trouverez certainement des gens avec des intérêts proches des vôtres. Parce que dans le fond c’est aussi ça la citoyenneté alimentaire, c’est réaliser que sa place au sein du système alimentaire n’est pas juste déterminer par les dollars qu’on paie à l’épicerie.

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*Ce texte a d’abord été partagé dans l’infolettre d’avril 2022. Ne manquez aucun texte en vous abonnant à mon infolettre mensuelle.